Prix Nobel de littérature : "C'est la suite de mon engagement dans l'écriture", se réjouit Annie Ernaux
"Il m'a fallu beaucoup de temps pour me persuader que j'avais le prix Nobel", confie Annie Ernaux au lendemain de l'attribution du prix de Littérature. Elle promet que son discours de remise de prix sera "engagé".
"C'est la suite de mon engagement dans l'écriture", explique vendredi 7 octobre sur France Inter Annie Ernaux qui a reçu la veille le prix Nobel de littérature. L'autrice explique avoir appris la nouvelle avec "une forme d'étonnement et de vide. Il m'a fallu beaucoup de temps pour me persuader que j'avais le prix Nobel", explique-t-elle.
Lorsqu'elle a appris pour son prix, Annie Ernaux a "pensé à ses parents et à sa famille. J'ai le sentiment d'avoir peut-être fait ce que je pouvais faire de mieux de ma vie à leurs yeux", confie-t-elle. L'autrice de 82 ans estime avoir passé une vie "à chercher quelque chose de juste dans l'écriture".
Annie Ernaux : "En apprenant que je recevais le Nobel, j'ai pensé à mes parents, à ma famille. J'ai le sentiment d'avoir fait ce que je pouvais faire de mieux de ma vie à leurs yeux. Ne pas avoir écrit pour écrire." #le7930inter pic.twitter.com/iEOmDGZfjt
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Une récompense mais aussi une "responsabilité"
Avec ce prix, Annie Ernaux se sent "une responsabilité : la littérature n'est pas neutre et ne l'a jamais été, parler seulement de beaux livres, de belle écriture, c'est une façon de masquer le pouvoir qu'a la littérature", explique-t-elle. L'autrice de La Femme gelée ou L'Événement estime que l'écriture "a une action sur ceux qui lisent et ceux qui ne lisent pas". Elle assume le statut d'écrivaine engagée qui lui est accolée. Si elle confie ne pas "encore avoir en tête le discours" qu'elle prononcera à l'occasion de la remise du prix Nobel, Annie Ernaux sait déjà qu'il "sera engagé".
"Quand on parle d'écrivain engagé, je pense à Jean-Paul Sartre et Albert Camus, ce n'est pas une tare, ni un stigmate."
Annie Ernaux, prix Nobel de Littérature 2022à France Inter
Annie Ernaux est la 17e femme à décrocher le Nobel de littérature depuis la fondation des célèbres récompenses en 1901 et la première femme française. Quinze compatriotes ont été recompensés parmi lesquels Albert Camus ou Jean-Paul Sartre (le seul à l'avoir refusé). "Mon travail d'écriture, c'est toujours d'atteindre ce qui est pour moi la réalité, que ce soit la réalité des femmes ou la réalité sociale", assure l'autrice.
Annie Ernaux : "Parmi les Français qui ont eu le Nobel, celui dont je me sens le plus proche est Albert Camus, notamment pour "Le Premier homme"." #le7930inter pic.twitter.com/rNS6ahgEMV
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"Venger sa race"
Lors d'une conférence de presse chez son éditeur Gallimard jeudi, Annie Ernaux a reconnu qu'elle s'était donné l'objectif de "venger sa race". Elle apporte vendredi sur France Inter des précisions sur cette formule. C'est "d'être le dernier maillon d'une lignée qui avait été malmenée par la vie, par la société, par le système social", explique-t-elle. Elle revient ainsi sur son "grand-père illettré" et ses "parents qui ont quitté l'école à 12 ans et ont travaillé à l'usine. Ils ont vu dans l'école un levier pour s'en sortir", précise-t-elle. Ce milieu social est au cœur de nombreux romans autobiographiques d'Annie Ernaux, notamment La Place (1983), où elle revient sur la vie de son père, qui tenait avec sa mère un café-épicerie à Yvetot, en Normandie. Si elle rejette le terme de "transfuge", beaucoup trop utilisé à son goût, elle soutient qu'elle aura toujours "le sentiment de ne pas appartenir à un certain monde".
Interrogée sur le mouvement #MeToo, qui célèbre cette semaine ses cinq ans, Annie Ernaux se dit "contente que ça fasse cinq ans, que ça continue et que ce n'est pas terminé". Si elle salue la libération de "la parole des femmes", elle regrette qu'il y ait "toujours des résistances".
"Il y a des domaines où #MeToo n'est pas tellement entré, notamment dans les universités."
Annie Ernauxà France Inter
Annie Ernaux salue par ailleurs "le courage" des Iraniennes et appelle les gouvernements à agir face à "ces crimes contre les femmes. On s'indigne à juste raison des exactions en Ukraine, mais là je trouve qu'il n'y a pas assez de manifestations de solidarité quand il s'agit de femmes", assure-t-elle.
Annie Ernaux : "#MeToo était une merveilleuse surprise. Je suis extrêmement contente que cinq ans après, ça continue, que ça prenne toutes sortes de formes. Et ça n'est pas terminé, même s'il y a toujours des résistances." #le7930inter pic.twitter.com/GqW8Bdiype
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